"ÉCRITS D'HABITANTS"

Ces textes sont écrits en ateliers organisés partout dans les quartiers riverains et animés par Sophie Comtet Kouyaté et Marie-Astrid Adam.
Viendront s’ajouter d’autres textes reçus suite à l’appel à mémoire bientôt lancé dans la ville, dans les quartiers, sur les réseaux sociaux.

En participant à ce récit, les habitants jeunes et adultes s’inscrivent de façon plus consciente dans leur ville, leur territoire. Ils explorent la vie autour du canal, son passé, mais aussi les nouveaux aménagements, les mutations, les flux mouvants de la migration du travail, les métamorphoses et les bouleversements de notre temps.

Ils concrétisent leur rapport aux lieux et aux événements.
Ils sont parties prenantes de sa mutation, de son évolution.
Ils nous proposent leur propre mémoire.

"ÉCRITS D'HABITANTS"

Ces textes sont écrits en ateliers organisés partout dans les quartiers riverains et animés par Sophie Comtet Kouyaté et Marie-Astrid Adam.
Viendront s’ajouter d’autres textes reçus suite à l’appel à mémoire bientôt lancé dans la ville, dans les quartiers, sur les réseaux sociaux.

En participant à ce récit, les habitants jeunes et adultes s’inscrivent de façon plus consciente dans leur ville, leur territoire. Ils explorent la vie autour du canal, son passé, mais aussi les nouveaux aménagements, les mutations, les flux mouvants de la migration du travail, les métamorphoses et les bouleversements de notre temps.

Ils concrétisent leur rapport aux lieux et aux événements.
Ils sont parties prenantes de sa mutation, de son évolution.
Ils nous proposent leur propre mémoire.

DAVE

DAVE

LUCIANA
LUCIANA

Moi, LUCIANA, qui ne suit encore qu’une petite fille, chaque jour pour venir au collège Rosa Luxemburg, je longe le canal.

L’été seulement, car l’hiver pétrie ces paysages dans une atmosphère de tragédie, de solitude intense, de froideur et d’humidité qui le rend impraticable pour moi qui aime plus que tout la chaleur, la lumière et les gens.

L’été plutôt donc, quand les quais se transforment en autoroutes à vélo. Des parisiens pédalant avec une infinie facilité les vélos à moteurs électriques, trainant derrière eux, sur les quais défoncés, des relents de la ville où déjà le monde moderne fait son expérience tandis qu’ici nous en sommes aux balbutiements…

Dois-je avoir honte de ma ville? de mon quartier comme certains ont l’air de le dire à la télévision? dans les journaux?

C’est quoi cette nouvelle histoire que l’on veut nous faire vivre? … ce nouveau monde à venir qui va nous sauver comme ils disent?… nous sortir de la torpeur, de la «misère».

La misère des banlieues.

Ma banlieue qu’ils maltraitent, qu’ils comparent à l’enfer sur terre bien que jamais ils n’y soient venus? N’ai-je pas droit, moi aussi, d’être fière du quartier dans lequel j’ai grandi ?

Marié
ALAIN

Marié
ALAIN

Je suis né il y a bientôt 69 ans au bout de cette rue du Landy si longue qu’elle traverse 3 communes et… le canal.

Dans mon esprit, le canal se confond avec l’histoire de Saint-Denis où j’ai toujours vécu. Pour moi, il était la voie royale de la richesse industrielle et économique de la ville. Creusé pour éviter le centre de Paris, il représentait une voie parallèle au chemin de fer pour approvisionner les entreprises industrielles qui étaient implantées sur ses rives, à coté des matériaux stockés pour équiper les ponts et chaussées : sables, pavés, ciment. Des usines métallurgiques, chimiques, verreries, fonderies, tréfileries générant des odeurs se mélangeaient à celles exhalées par le canal qui parfois charriait le contenu des poubelles vidées dans ses eaux par des riverains irrespectueux.
Tout au bout du canal, aux confins d’Épinay, non loin du fort de la Briche, lieu de son départ, ou de son arrivée, il déploie son cordon dès l’écluse de la gare de Saint-Denis et prend très vite un air de fête dans un cadre verdoyant dans l’anse de la « Maltournée ».
là nous sommes dans le quartier de al porte de Paris, noeud de communication routière.

Je suis un ancien marathonien et, plusieurs fois par semaine, les rives constituent mon parcours d’entraînement.
Aujourd’hui le canal me parle. Il me rappelle cette passion de jeunesse pour la course à pied quand lui et moi étions « complices ».
Dans ma course je pouvais voir mon reflet dessiné sur sa robe moirée. Le son de son clapotis se confondait avec le cri des mouettes. Le cancanement des canards me renvoyait sa fraîcheur si douce et agréable de l’été. Mais aussi la torpeur, figée, parfois gelée, l’hiver.
Il m’arrivait de la remonter à contre-courant, en amont. Mais le plus souvent j’en suivais le cours depuis la gare de Saint-Denis toujours grouillante d’activité. C’est là que commençait mon quart d’heure d’échauffement.
Comme un clin d’oeil, une péniche se préparait à entamer sa course, enfermée dans le sas de l’écluse de la gare.

YASMINE
YASMINE

Moi aussi j’ai mon mot à dire…
Moi… habitante de la cité Franc Moisin.
Savent-ils eux ? Tous ce décideurs de toutes sortes, à quel point je les chéri ces vieux murs ?
L’esplanade où tous se rencontrent… au coeur de ma cité ?
Ma cité qu’ils veulent détruire à coup de pelleteuse ?…
Savent-ils à quel point je souffre à l’idée qu’on me sépare de ceux avec qui j’ai grandi ?
Savez-vous ce qui se passe malgré les problèmes ?…
Dans ces immeubles que vous vous permettez de juger ?
N’est-ce pas l’exemple même de l’amour entre voisin ? D’une compréhension mutuelle et d’une solidarité extraordinaire en toutes circonstances ?
Comme dans une grande famille…
où les liens sont indéfectibles envers et contre tout.

Savez-vous ce que je ressens moi aussi à l’idée que tout cela.. toute cette beauté inouïe dans laquelle j’ai grandi… dans laquelle j’ai commencé ma vie, puisse un jour disparaître avant même que je sois une grande personne.

MYRA

MYRA

La ville va engloutir la banlieue…
Les parisiens vont traverser la frontière… venir jusqu’à nous… se fondre dans notre masse… devenir nos voisins
Ils vont arriver à Saint-Denis, avec leurs manières

Leur façon de se sentir supérieurs

Ils vont entrer chez nous par la porte grande ouverte… sans frapper
Le prétexte, c’est l’extension de la Capitale… le Grand Paris

Regardez…
Rien n’est plus beau qu’un jeune de banlieue quand il s’habille
Mais les parisiens nous méprisent, nous les gueux. Je sais déjà qu’ils me regarderont de haut en bas, à chaque fois que je passerai devant eux

Alors ? Quelle est la meilleure attitude à adopter :
Ne surtout rien changer à mon mode de vie, ni à ma façon de voir les choses… le monde…
Ne surtout pas changer ma façon de les penser

Et puis…

M’ouvrir les plus possible à un monde beaucoup plus vaste
Au delà de la capitale… au delà des frontières d’un petit pays

Que mon monde intérieur soit large…
ouvert…

à tous niveaux.

RUTHZA
RUTHZA

Ah non non non !!!

Je ne suis pas d’accord !

C’est vous qui décidez que mon quartier doit être réhabilité, mais en réalité ?… Est-ce qu’on doit détruire des bâtiments dans lesquels des gens ont grandi et dans lesquels nous avons créé des liens ? Des liens intimes ?

Est-ce qu’on doit arracher nos racines ? Celles du sol sur lequel nous avons grandi ?

Certes ! Les habitants flambants neufs nous attirent… Certes… nous aimons y vivre…
Mais cette promesse d’un monde forcément meilleur, est-elle vraiment pour nous ?
Est-ce réellement pour moi, habitante, et pour ma famille qu’on détruit ?
N’y a-t-il pas une sorte d’hypocrisie dans ce projet ???

Pourquoi attendre cet événement pour agir? Pourquoi ? Parce qu’il entrainera des foules de journalistes et de supporter ou réellement pour améliorer nos conditions de vie ? Je vous le demande !

Est-ce pour moi ce beau projet o.  pour l’image de nos quartiers que l’on veut offrir aux yeux du monde ? Quand il faudra montrer le France et nos quartiers sours leurs aspects les plus merveilleux.

Pour les JO … Les JO 2024 ?… 

ANGE
ANGE

On a parfois l’impression que le chantier ne finira jamais.
Comme un temps suspendu.
Il y a de très beaux contrastes entre friches et édifices, entre neuf et ancien.
On traverse des rues chaotiques, d’autres à demi tracés
On longe des murs qui n’en finissent pas de s’effondrer.
Parfois c’est comme un arrêt sur image offrant au regard un morceau d’usine défoncé … au coeur d’un ilot aux façades lisses et blanches… d’immeubles aux grandes baies vitrées… pas encore habités…
À certaines heures … on se croirait dans un film.
Une fiction dont le décor est cette ville froide, meurtrie, en attente d’un événement… d’une tragédie peut être…
D’autres fois, en voyant Alpha et Oméga, les deux tours jumelles comme moi et mon frère, on a une sensation de vertige… comme dans un effet cinématographique hyper réussi.

LOICK  / Texte 1

LOICK  / Texte 1

J’aperçois le canal depuis le bus quand nous traversons le pont au retour du collège.

Parfois aussi je me promène sur ces rives. Il y a des bâtiments plutôt vieux et les quais sont mal entretenus mais ils attirent beaucoup de monde : des coureurs… des cyclistes et même quelques promeneurs seulement le week-end.

L’eau est verte. Je me dis qu’elle doit être polluée.

Ce que j’aime surtout, c’est la végétation sauvage, présente un peu partout. Bizarrement je me sens à l’aise dans ces paysages dégradés… décrépis

Ils me rappellent un peu mon pays natal, le Cameroun.

Ce n’était pas très propre, certes, mais on s’y sentait bien.

OUARDA

OUARDA

Je me suis installée à St Denis au cours de l’année 2019 après avoir vécu près de 20 ans en province. J’ai toujours eu le projet de m’installer dans une grande ville, à proximité des universités pour permettre à mes enfants de faire des études.

Je veux être là pour eux… mes enfants… 

En venant à Saint-Denis, je ressentais énormément de pression. La plupart des gens de mon entourage me déconseillaient. Ils trouvaient mon choix incompréhensible.

C’est vrai que normalement c’est l’inverse qui se produit : les gens quittent la région parisienne pour partir vivre en province

Mes amis disaient que cette ville allait nuire à la bonne éducation de mes enfants… Que tout ça allait mal finir.

Du coup,  à mon arrivée, mille questions trottaient dans ma tête…

Finalement… Mes enfants ont eu un bon parcours scolaire à l’école élémentaire Pina Baush, au collège Elsa Triolet ou au lycée Marcel Cachin, de bons amis.

Tout se passe très bien pour eux.

*

La mixité sociale ratée.

Mais j’habite dans le quartier de la Confluence, juste à côté de la Gare. Un quartier neuf, habité par différents rangs sociaux. Des propriétaires… des locataires… des habitants de logements à loyer modérés ou encore ceux d’un bâtiment social, une sorte de foyer qui accueille les personnes sans logement, en difficulté.

Ce quartier ; joli, arboré, est censé être un modèle de « mixité sociale », une bonne expérience du vivre ensemble. Mais la réalité est malheureusement que ces personnes vivent côtes-à-côtes, mur contre mur.
Je fais partie de l’association « la confluence », une association d’habitants du quartier. Nous effectuons des distributions alimentaires et d’autres actions sociales. J’ai cependant l’impression qu’en dehors de ces actions, rien ne se fait dans le quartier.

Les gens sont renfermés sur eux-mêmes, il n’y a pas de réel dialogue.
Je pense que nous pouvons y remédier en accordant plus de confiance aux habitants, en essayant d’établir un contact humain et solidaire dans le quartier.

Ce que nous essayons de faire.

SEGONNES
JEAN-CLAUDE

SEGONNES
JEAN-CLAUDE

J’ai vécu l’arrivée du Stade de France comme un événement extraordinaire, pour nous, habitant d’un quartier isolé du centre-ville : le petit quartier Bel air, au bord du canal.

Lors de sa construction, des visites du chantier ont été organisées, casqué, botté pour patauger dans la boue et découvrir les différentes phases d’évolutions.

Ensuite, les années qui ont suivi, nous avons pu assister à quantité d’évènements :

  • Inauguration du Stade fin janvier 98 ! 
  • Match de Football France/Espagne, température nettement en dessous de zéro, sol gelé,  les joueurs glissaient sur le terrain comme une patinoire, mais quelle ambiance malgré la froidure !!
  • Coupe du Monde de 1998, quelle ambiance tant dans le Stade qu’autour, retransmission des matchs sur grand écran en divers lieux, la foule aux couleurs des pays selon les matchs, liesse générale, farandoles, allégresse tant de la foule que de la police présente.

Quant à la victoire de la France, l’apothéose, y compris dans les rues de Saint-Denis et dans Paris.

Mémorable !!

Après la Coupe du Monde de 1998, le Stade de France a accueilli diverses manifestations de foot, rugby, athlétisme, avec la participation de champions internationaux comme Bubka, Bolt, opéras, spectacles divers comme celui de Ben-Hur de Robert Hussein, défilé de mode d’Yves Saint-Laurent et de grands chanteurs, avec un stade toujours plein.

Mais il y eu aussi d’autres spectacles plus insolites :

  • Course de motos et de voitures sur glace avec des dérapages jusqu’au niveau des tribunes dans une ambiance extraordinaire ;
  • Course de chevaux très spectaculaire et appréciée tant par le public que par les jockeys. Pour conclure cette soirée mémorable, défilé de différentes races de chevaux des haras de France.

Ce Stade a quelque chose de magique dans sa conception. 85000 spectateurs arrivés par tous les moyens de transport conventionnels, RER, Métro, à faire entrer dans son enceinte. Mais encore fallait-il les faire sortir dans les mêmes conditions.

Pari réussi :

Vous arrivez, contrôles divers, portes, les escaliers d’accès, les tribunes. Vous pénétrez dans cet amphithéâtre immense qui se remplit calmement puis découvrez soudainement que vous êtes au milieu d’une foule énorme qui génère un bruit de fond et qui va exploser au fil des buts, des scores, des chansons avec des olas qui tournent, qui virevoltent.

Une ambiance que vous partagez, qui vous prends aux tripes !

Manifestation finie, parfois un feu d’artifice est lancé pour retarder les départs, et le Stade se vide en 5 à 8 minutes, comme par enchantement.

La conception du stade n’est pas nouvelle. Les romains, avec la construction des arènes, avaient déjà prévu ces moyens d’accès et d’évacuations.

Une anecdote pour finir : Notre Johnny National, en concert au stade avec une météo turbulente et ne pouvant descendre de son hélicoptère !

Concert annulé !

Le public est resté confiné plus d’une heure afin de laisser reprogrammer le dispositif de transport pour évacuer plus de 85000 personnes présentent ce jour-là.

LEVASSEUR

PATRICK

LEVASSEUR
PATRICK

Ici, regardez…

Les berges servent régulièrement de refuge à des foules de migrants. Ils viennent de partout… à chaque fois expulsés… repoussés. Leur immense camps est traversé par des joggeurs et cyclistes qui « poursuivent » leur chemin ! Bien sûr… ils n’y sont pour rien…

C’est bien l’État et sa capitale qui chasse la foule étrangère de ses murs ! 

Pour moi c’est comme des camps de survivants qui subissent des conditions inhumaines. Ces hommes dorment sur des cartons. Ils n’ont ni eau, ni toilettes… encore moins d’électricité. Ils manquent cruellement de nourriture. Seuls quelques humanitaires leur tendent la main.

En un siècle, ce quartier situé à deux pas de la capitale du pays des droits de l’Homme… aura vu des migrants du monde entier y chercher refuge

Des hommes venant d’Afghanistan, d’Éthiopie, du Soudan, du Tchad… du Mali… et même.. d’Algérie et des pays de l’est…

*

Comme chaque jour, je fais le tour de mon quartier pour photographier la transformation en cours. J’ai l’impression de vivre et d’habiter au milieu d’un gigantesque chantier. Quand je longe le « Mail de la Petite Espagne » je ne peux pas m’empêcher de penser à ce qu’était le quartier au vingtième siècle… à ce qu’évoque aujourd’hui son nom.  Des générations d’espagnols venus chercher un emploi dans ce quartier. Ils s’entassaient ici, au plus près des usines, dans ces abris sommaires, des baraques qu’ils construisaient de leurs mains avec toutes sortes de matériaux de récupération… Le pire? : Le bidonville du Cornillon…

En 1965 il rassemblait 600 habitants, dont 200 enfants qui venaient presque tous des régions pauvres de l’Espagne. Imaginez cet énorme enchevêtrement de tôles et de vieilles planches qui prenait tout l’espace sur 1.616 m2… et était entouré de 4 murs en maçonnerie de meulière de 2 mètres 80 de haut.

Il y a eu beaucoup d’autres arrivées dans les années qui ont suivi : des portugais… des italiens, des maghrébins… seuls d’abord… puis en familles. Ils ont peuplé ces ruelles jusqu’à la crise économique des années 70. Ils ont donné son nom au quartier, lui ont créé son identité.

La crise de 70 a été un véritable tsunami. Elle a fait disparaitre la quasi-totalité du tissu industriel de « La Plaine » et a dispersé la population qui y travaillait. De nombreuses familles sont reparties dans leurs pays d’origine… D’autres ont survécu dans leur habitat précaire, passage Dupont, passage Boise, passage des Gauguières. Cette population laborieuse a disparu peu à peu et a été remplacée par de nouveaux exclus venant du Maghreb puis… d’Afrique de l’Ouest…

*

Quand j’arrive au carrefour de la rue Murger et de la rue Gaëtan Lamy je croise enfin des êtres humains aux visages familiers. Familiers parce que je les vois chaque jour au retour de mes balades. Oui, je me sens explorateur. Je voyage au cœur de mon quartier, je le photographie et je tente de reconstituer son histoire… de tisser le récit de ce qu’il est aujourd’hui avant que tout cela ne disparaisse. Comme ces hommes par exemple…  qui viennent de pays africains frappés par les guerres, par la sécheresse, comme au Sahel par exemple, ou par la crise économique mondiale. 

Chaque jour on se salue. Je me dis qu’ils sont là pour survivre de la mécanique en plein air… du recyclage d’électroménager et d’autres activités qu’ils pratiquent à même la rue depuis deux générations et qui bientôt disparaîtront, n’existeront plus ici.  

C’est vrai que cette activité salit la chaussée, les trottoirs, les terrains. Du coup, leur présence dresse les habitants contre eux. Mais n’est-ce pas juste un dialogue qu’il faudrait instaurer entre tous pour dégager des solutions plus humaines ? … trouver des réponses à ces désagréments sans passer forcément par le conflit, le mépris, le dénigrement de ces hommes qui ne cherchent qu’à survivre ?

Je prends MA rue. La rue Gaëtan Lamy. Le chantier de la future école Malala Yousafzaï  empiète sur cette place, le parvis Roser du nom d’ Henri Roser, pasteur, pacifiste, cofondateur, secrétaire puis président, dans les années 30, du Mouvement National de réconciliation.

Ce qu’on aperçoit tout au fond… là-bas… c’est la « Maison Pour Tous » du même nom. Un petit centre social qui a pour mission de répondre aux multiples besoins de la population locale… avec des moyens très réduits. Et ici… c’est la médiathèque Paul Éluard qui accueille les nombreux enfants du quartier.

Malgré tous leurs efforts, ces équipements ne suffisent pas à rendre à ce quartier une activité joyeuse et propice aux rencontres, au lien entre les gens. Même cette petite boulangerie survit difficilement…

Pourquoi ai-je l’impression que mes voisins se terrent de plus en plus chez eux ?

En levant les yeux, au coin de la rue Bengali, tout près de la petite boulangerie… on peut encore voir les vestiges d’un café: le «Bon Coin de la Paix». Nom évocateur et symbolique du temps de la convivialité… Quand on imagine ce que nous racontent les anciens du quartier : «la rue des 11 cafés »…  Et les noms inscrits sur les plaques des autres rues… : « Rue de la fraternité »… « Rue de la justice »…

Ou encore celles qui rappellent les noms de résistants… de fusillés de la guerre d’Espagne … ou de ces hommes qui chantaient dans leur jeunesse : « du passé faisons table rase… ».

Je me demande comment faire sortir les gens de chez eux ? Comment leur donner envie, à ceux qui vivent ici depuis longtemps… à ceux qui, comme moi, sont arrivés ici il y a quelques années… mais aussi… à ceux qui viennent de débarquer… comment leur redonner l’envie de construire de nouveaux liens ? 

En s’adossant au passé peut-être… en créant de nouveaux petits commerces aussi… je crois…

Comment inventer la renaissance de liens réels entre nous tous qui nous permettraient de mieux vivre ensemble…

Il faut plus de moyens. Il faut aider à l’apprentissage du français

AFID

ABEL

AFID
ABEL

Le canal me parle, il est mon psychologue.
Je ne sais pas qui a adopté l’autre le premier ?
Je n’aime pas voir son eau salie.
Je pense aux oiseaux qui viennent y boire.
Je me mets à leur place, 
Moi, je’ n’irais pas boire cette eau.

Il faut faire couler l’eau, 
Les murs bloquent le regard.
L’eau guérit l’esprit.

Aujourd’hui les nouvelles constructions m’affligent,
Elles coupent le paysage
Elles n’ouvrent pas l’espace,
Elles cassent la beauté du canal.

J’ai voulu écrire cette ville
Dont la mémoire est complétée
Par l’histoire de son prince :
Le Canal.

ALEXANDRE

ALEXANDRE

J’aime la modernité qui a remplacé les industries exilées en Asie et qui s’étaient transformées en friches.
Je pense à ces cuves de gaz gigantesques sur ce terrain qu’il a fallu sérieusement dépolluer pour y construire le Stade de France et à ces habitants délabrés, construits sur plan urbanistique, qui transpiraient la pauvreté.
Il fallait être dans une bien grande misère pour accepter docilement de telles conditions de vie.

En vingt ans c’est un habitat bien pensé par des architectes et urbanistes renommés mêlant des logements privés et sociaux lumineux et confortables qui les ont remplacés.
Aujourd’hui il n’est plus question de tours et de barres construites hâtivement comme dans les années 60/70 pour remplacer les bidonvilles habités par les migrants du travail espagnols et portugais pour la plupart et pour loger les rapatriés d’Afrique du Nord.

De beaux commerces ont été bâtis entre le canal et le stade de France : Leroy Merlin, Décathlon, Truffaut et cinéma Gaumont, ils accueillent une clientèle qui dépasse les limites communales. De beaux immeubles de logements longent aussi maintenant le canal et font face à la cité de Francs Moisin, quartier d’immeubles relié par un pont tournant malheureusement hors service la plupart du temps.
Chaque fois que je passe dans ces nouveaux quartiers bordant le Stade je me dis que l’insalubrité a cédé le pas au confort moderne, ce qui est une chance pour ces populations.
Il en est de même sur toute la Plaine. Cet immense territoire qui s’étale jusqu’aux portes de Paris, là où les magasins généraux accueillent les tournages des plus grandes émissions et series télévisées.

J’aime prendre de temps en temps le bus 153 ou le 239 qui sillonne la plaine jusqu’à Saint-Denis et ensuite vers Stains. Il me fait découvrir à chaque fois un nouvel équipement public, ou une nouvelle école, une place, un immeuble en construction avec une belle architecture, une belle façade.
Je suis admiratif devant l’ingéniosité et le goût artistique des architectes qui ont participé à la rénovation de ces quartiers, aux urbanistes qui les ont redessinés entièrement.

J’ai connu l’usine de cartonnage chemin des Fruitiers, près du pont de Soissons à la Plaine, dans les années 70/80
Le chemin et l’usine ont disparu. La rue a été remplacée par une grande avenue qui a gardé son nom. L’avenue des Fruitiers, bordées d’immeubles de bureaux aux belles façades de verre et d’acier. J’aime bien.
Les ouvriers ont suivi le mouvement de la désindustrialisation. Ils ont été remplacés par des employés et des cadres de bureaux qui vont et viennent chaque jour. Une marrée montante que le RER déverse chaque matin et une marrée descendante chaque soir.

Le soir, la plage est déserte.

Il faudra sans doute faire beaucoup pour change les mentalités, dissiper  les inquiétudes, les idées reçues et laver la réputation de la ville.